En proposant une histoire visuelle de 130 ans de droites, Zvonimir Novak, professeur d’arts appliqués et collectionneur d’images de propagande, se concentre sur un aspect rarement étudié de la communication politique : celle des conservateurs, des réactionnaires, et de tout cet éventail de formations gaullistes, nationalistes, libérales, religieuses, fascistes, partisanes de l’Algérie française, etc. Plus de 800 images sont ainsi réunies : des affiches bien sûr, mais aussi tout un corpus prolifique de tracts, autocollants, étiquettes de vin, badges, insignes, timbres ou gadgets divers. Autant de cicatrices du combat impitoyable et éphémère qui se déroule sur le terrain graphique, car c’est bien “dans ces moments de l’histoire où ces droites se trouvent en situation d’opposition qu’elles se montrent débordantes d’imagination.” Rappelant l’importance d’une communication souterraine frappante, intrusive, agressive et souvent anonyme, Tricolores dresse un portait subtil de l’histoire des droites, dévoilant les interactions entre l’affichage officiel et le foisonnement d’images plus ou moins officieuses s’attaquant aux mêmes thèmes, le premier lissant son message à coups de publicité et de politiquement correct.
Du boulangisme qui, à la fin du XIXe siècle, se lance dans une campagne “à l’américaine”, jusqu’au ridicule lipdub de l’UMP, en passant par l’audace de l’iconographie gaulliste initiée par Malraux, Zvonimir Novak met en lumière les permanences d’un discours forgé autour du populisme, de l’anticommunisme, de l’autorité, du travail ou de la xénophobie. A travers une étude agrémentée de focus sur des points précis très pertinents, il raconte l’évolution des symboles (le casque gaulois ailé sans réalité historique, la flamme du FN ou la fascination pour les logos abstraits depuis les années 1930), réfléchit sur des tournants graphiques importants (la main jaune de SOS Racisme), présente les dessinateurs ou les graphistes remarquables.
En rassemblant une telle quantité d’images, Tricolores permet en outre de faire des corrélations intéressantes. De comprendre comment Giscard a pu paraître aussi jeune et rebelle, de capturer Chirac le caméléon changeant de personnalité sur chaque photo, de surprendre des résurgences étonnantes d’une époque à l’autre, de constater combien l’imagerie d’extrême droite s’inspire de celle de l’extrême gauche, d’observer l’habile sémantique du Front national, qui fait glisser la question de l’immigration du terrain racial au terrain social. Rien n’échappe au langage des signes, souvent très révélateur d’une époque (l’islamophobie ou la résurgence de l’antisémitisme en ce début de XXIe siècle), d’un tournant historique ou des failles d’un parti, à l’image de la vacuité graphique du MoDem, symptomatique de ses difficultés de positionnement. Un tort, car tous les électeurs vous le diront : les discours s’effacent, tandis qu’une bonne image ne s’oublie jamais. Enfin il paraît.
passionnant!
L’affiche avec Chirac est troublante… on dirait qu’il aime un peu trop les enfants… :)
ouvrage remarquable .
D’autant plus impressionné qu’il s’agit d’un vieux camarade d’enfance .
J’aimerais beaucoup m’entretenir avec lui